Chacun a son propre espace de travail. Ou pas !
Si vous êtes artisan, celui-ci peut varier en fonction de vos clients et de leurs besoins.
Le plombier a le plaisir de visiter des salles de bains en construction ou d’aller serrer des cols de serrage en dessous d’éviers de clients inondés.
La coiffeuse tourne autour de têtes fixes tout en se regardant dans le miroir. Seule ou en rang avec ses collègues à ses côtés selon la taille du commerce.
L’employé de bureau est dans sa bulle de quatre mètres carrés, souvent devant un écran pour manipuler des fichiers plus ou moins intéressants. C’est selon.
Le pilote de ligne, tout comme l’agriculteur, est dans son cockpit face à des boutons de réglage. Les turbulences et un sol encaissé rythment de longues lignes droites.
Le commercial va de client en client, la mallette pleine d’échantillons comparatifs ou l’ordinateur à la main pour promouvoir ses produits auprès de clients plus ou moins réceptifs.
Le livreur de colis, le scanner à la main, visite des boîtes aux lettres en jouant du changement de vitesse ou de la pédale en ayant finalement peu d’interaction.
Le professeur interagit avec ses étudiants, grands ou petits, pour leur transmettre de vive voix son savoir.
Le Covid nous a conduits à ce que nous appelons communément le télétravail.
“Mug perso” avec pantoufles aux pieds, les échanges sont réduits à votre animal de compagnie et un “meet” via écran avec le monde.
J’ai un pote dans la “com” qui pilote de sa campagne profonde toute une équipe éparpillée dans différents pays. Pas de bureaux conviviaux avec machine à café ou espace “chill” pour se ressourcer.
Tout est en ligne !
C’est pas mal pour la boîte. Pas besoin de payer un loyer coûteux pour avoir des espaces sur la 5th Avenue. On ne doit pas s’assurer qu’il y a suffisamment de rouleaux de papier dans les toilettes, que la température correspond aux souhaits de chacun, que la déco correspond à vos goûts.
On peut écouter sa propre musique sans devoir ressembler à un Télétubbies.
Le café ou le thé correspondent exactement à nos envies.
Et quand on ne désire pas rencontrer quelqu’un, il suffit de ne pas répondre aux sollicitations en ligne.
“L’enfer, c’est les autres.”
Jean-Paul Sartre
Pour retrouver tous les désagréments de la vie ensemble, des espaces de “co-working” ont éclos dans les grandes villes pour rassembler des freelances en manque d’interaction.
L’espace central reste l’endroit où on satisfait le besoin de manger et de boire.
Il est aussi bien souvent le “hub” interactionnel à la demande.
Si nous désirons du calme, nous allons nous réfugier dans une cabine personnelle, une table entourée de murs pas trop hauts absorbant les bruits, ou un grand espace de travail où le silence règne.
Les bibliothèques existent depuis toujours pour trouver du calme dans une ambiance studieuse.
“L’homme est un animal social.”
Aristote
Les grandes “boîtes” se remuent les méninges pour trouver le meilleur compromis entre de la convivialité et des m² inoccupés.
Malgré Slack, Teams, Notion, Zoom et la salle virtuelle “Zen”, l’humain a besoin d’interactions qui lui permettront de ressentir l’autre, de percevoir les micromouvements qui trahissent souvent nos pensées.
Dans ce grand espace de travail compartimenté, nous pouvons être inspirés par l’échange à la machine à café, la musique en sourdine de son voisin, la conversation téléphonique entendue en passant dans un couloir, le beau dessin d’un enfant de collègue…
C’est aussi l’immédiateté des rapports qui vous assure que votre briefing a bien été compris. Vos équipes ne bossent pas en roue libre pour vous revenir deux jours plus tard avec une proposition fondée sur un malentendu.
“La plus grande partie de la communication est non verbale.”
Deborah Tannen
Le travail en ligne favorise aussi la mondialisation de vos rapports commerciaux, de vos espaces d’inspiration, du partage de vos connaissances.
Les multinationales peuvent fonctionner agilement entre les continents pour répondre instantanément à une requête.
Ce sont aussi les lieux où nous pouvons nous confronter ou nous comparer à l’autre.
Nous nous mettons en danger en nous exposant à l’autre.
L’être humain passe son temps à se comparer aux siens pour trouver où est sa place.
Le brouhaha des réseaux sociaux, des modes et des conflits rend cette analyse très difficile.
Dans nos sociétés où règne le culte de l’ego, les sociologues parlent de tensions comparatives. Nous nous comparons sans cesse les uns aux autres.
On se compare pour se situer, c’est vrai.
“La comparaison est le voleur de joie.”
Theodore Roosevelt
Pas pour mieux se connaître, non, mais pour savoir où l’on se situe dans la grande jungle sociale : est-ce que je suis au-dessus, au-dessous ou juste “moyen plus” ?
C’est notre petit GPS de l’ego. Sauf qu’il ne mène jamais à destination.
Il nous indique seulement si l’autre a une meilleure voiture, un plus beau “Feed Insta”, ou un chien qui fait des tours plus élaborés.
Selon Hartmut Rosa, notre obsession de la performance, du contrôle, de la vitesse coupe l’humain de son rapport sensible et vivant à la réalité.
Notre aliénation, ce sentiment d’être déconnecté du monde, des autres, voire de soi, est notre lot quotidien.
“Nous achetons des choses dont nous n’avons pas besoin, avec de l’argent que nous n’avons pas, pour impressionner des gens que nous n’aimons pas.”
Dave Ramsey
Entrer en résonance est un concept central chez Rosa. Elle désigne un état de connexion profonde avec le monde, les autres, et soi-même, où l’on ressent une forme de dialogue ou d’harmonie.
Cela peut passer par des expériences simples : écouter de la musique, contempler la nature, ou engager une conversation authentique.
La comparaison disparaît pour laisser apparaître une forme d’union éphémère où la confiance va de soi.
Ce sont des moments où le monde nous touche… et où nous le touchons en retour.
“On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.”
Antoine de Saint-Exupéry
Cette égalité surgit comme une liberté de penser, de vivre, dénuée de tout artifice, de besoin de se sentir supérieur.
Deux ne font plus qu’un, même si ce sont deux entités opposées.
L’alter ego ne génère plus une relation de contrôle, de comparaison, mais une ouverture à un imprévu.
Notre solitude existentielle résonne quand elle rencontre celui ou celle qui deviendra “ensemble”.
Avec un vrai alter ego, la parole ne rebondit pas sur un mur, elle revient transformée. On ne se contente pas de s’entendre, on s’écoute.
C’est le moment où l’ego cesse de calculer, où la logique du “like” laisse place à la logique du véritable lien. Un moment où, même dans le silence, on se sent relié.
“L’autre est le miroir dans lequel je me découvre.”
Jacques Lacan
On peut vivre entre notre naissance et notre mort un parcours seul, même si nous fondons une famille.
Tu parles, mais tu veux briller.
Tu écoutes, mais pour répondre.
Tu regardes, mais tu compares.
Peut-être faut-il, avant d’entrer en résonance avec l’autre, être d’abord en accord avec soi-même.
Pas simple de trouver un moment de pause existentielle dans ce tumulte.
“Connais-toi toi-même.”
Socrate
Commençons par nous libérer du jugement des autres. Nous libérer de la soumission envers les autres.
Au fait, tu as “liké” ma dernière newsletter ?
Amusement